C’était le grand soir hier pour les militantes et militants de l’Assemblée de mobilisation citoyenne pour les Centres de la petite enfance (CPE). Après plusieurs semaines à cogner de la casserole en petits groupes dans de multiples quartiers, tout le monde s’était donné rendez-vous au coin Papineau et Mont-Royal. Retour sur une heure de souffrance pour l’asphalte et le béton.
Ce lundi soir se voulait la finale d’une série de manifestation aux casseroles printanières qui ont lieu depuis le début du mois de mai, sous le nom des Lundis Casseroles pour les CPE. Une brève mais forte chute de pluie reçue dans plusieurs quartiers deux heures plus tôt aurait pu tout faire dérailler. Mais dès 19h00, c’étaient plus d’une soixantaine de personnes qui étaient déjà rassemblées à l’intersection Mont-Royal et Papineau sur le Plateau-Mont-Royal.
Une participation qui n’a cessé de croître. Au plus fort de l’événement, ce sont près de 200 personnes qui étaient rassemblées et qui jonglaient d’un côté à l’autre de l’importante intersection. Les trottoirs ne fournissaient pas. Alors qu’habituellement les gens se contentaient de traverser la rue au feu vert pour garder les voies disponibles pour le trafic automobile, au moins 3 côtés de l’intersection à la fois étaient occupés en tout temps. Les rues n’étant pas barrées et les automobilistes tentant tant bien que mal de se frayer un chemin au travers des familles, le danger occasionné finit par imposer la décision: vers 19h25, des organisatrices prirent l’initiative d’entrainer les banderoles dans la rue. La manifestation de coins de rue reprit ainsi une forme plus traditionnelle: sur les pavés, au grand soulagement de nombreuses personnes.
Le trajet fut court: après un passage sur l’avenue Papineau en direction sud, le groupe tourna vers l’ouest sur la rue Rachel pour finalement entrer au Parc Lafontaine à l’intersection de la rue Calixa-Lavallée. Alors que la destination approchait, un policier sorti de sa voiture, numérotée 38-5, pour demander aux gens de n’occuper que la moitié de la rue vit son véhicule être rattrapé par la manifestation. L’agent regagna son volant puis démarra agressivement sans avertir ne serait-ce que par un coup de klaxon les manifestantes et manifestants devant lui, passant très près d’en heurter plusieurs.
Un seul élu s’est présenté à la manifestation, soit Amir Khadir de Québec solidaire. Un contraste flagrant avec la manifestation pour la paix dans Rosemont deux jours plus tôt, où tous les paliers parlementaires s’étaient fait un devoir d’être représentés.
Comme lors des manifestations de quartiers dans les cinq semaines précédentes, cette marche aux casseroles regroupait des éducatrices et éducateurs, des parents et des gens venus les soutenir. «C’est super important pour moi d’être là, nous dit une mère de famille, bénéficiaire des services des CPE, qui préfère ne pas être identifiée. Le gouvernement n’en a pas assez de nous écraser nous, il s’en prend maintenant à nos enfants. Non, pas question que je laisse passer ça, je suis ici avec les éducatrices, c’est nécessaire et je serai là jusqu’à la fin.»
Les nombreux parents qui ne manifestent pas ne restent pas silencieux pour autant. «Les parents nous en parlent beaucoup, témoigne Linda, éducatrice au CPE Les Petits Lutins de Côte-Saint-Paul. Ils nous soutiennent. On a mis des affiches, on leur envoie des courriels. Ça les touche directement et ils le savent.»
Sortir dans la rue chaque semaine est à ses yeux la chose évidente à faire. «On veut se faire entendre, on veut que le message passe.» Elle est d’ailleurs prête à une reprise des moyens de pression à l’automne. «On espère que ça va se régler avant l’automne mais, si ce n’est pas le cas, oui ça continuera à ce moment-là.»
En fin de manifestation, au porte-voix, la travailleuse en garderie Danaé Schott s’est réjouie du déroulement inattendu de la soirée. «Ce qu’on voit aujourd’hui, ce sont des parents, ce sont des enfants, ce sont des familles, ce sont des gens du milieu qui s’unissent. On voit une masse tellement grande aujourd’hui qu’on n’a pas pu tenir nos quatre coins de rue alors on a dû prendre la rue, c’est une victoire!»
«À l’AMC-CPE, continua-t-elle, on cherche à ce que les gens prennent l’initiative, qu’on ne soit pas toujours à la remorque des instances nationales, qu’on prenne les choses en main, qu’on s’unisse ensemble et qu’on se parle d’un CPE à l’autre qui sont dans un même quartier.»
Pour Mme Schott, il ne fait aucun doute que la situation ne sera pas résolue d’ici la fin de l’été. «On reprend ça de plus belle à l’automne, ça c’est certain!»