[su_heading]Les ennemis de la fatalité[/su_heading]
S’interroger sur ce qui semble parfois s’imposer comme une fatalité, voilà la première fonction des sciences sociales et humaines, et leur raison d’être.
-Pierre Noreau et Guy Rocher
Le cinquième anniversaire du mouvement Occupons Montréal arrive à grands pas et c’est un heureux hasard qu’ait eu lieu aujourd’hui à l’Université de Montréal une table-ronde réunissant des spécialistes de l’étude des mouvements sociaux. Marcos Ancelovici, professeur de sociologie à l’UQAM et Pascale Dufour, politologue, avaient invité les chercheurs Florence Joshua, Xavier Lafrance et Françoise Montambeault à lire et à commenter le livre : « Street Politics in the Age of Austerity. From the Indignados to Occupy », qu’ils ont coédité avec Héloïze Nez.
Pour qui s’intéresse à ces questions, le premier problème est de savoir comment identifier un mouvement social. Les descriptions que les participants proposent eux-mêmes de ce qu’ils font, les noms attribués par les médias et le savoir produit par les universitaires ne sont pas indépendants de la perception et de l’évolution des mouvements sociaux eux-mêmes. Pour conceptualiser un mouvement social, dit Marcos Ancelovici, il est inévitable « qu’on tranche » ses limites, comme le début et la fin, même si la réalité est nécessairement plus complexe.
Ancelovici, Dufour et Nez introduisent la notion de « famille » pour regrouper les divers mouvements sociaux de 2011 qu’ils associent aux politiques d’austérité : les marches et les occupations de places publiques en Espagne, en Grèce et dans le mouvement du 15 octobre aussi appelé « Occupy ». À la critique de Xavier Lafrance concernant le recours à la théorie de la variété des capitalismes de Hall et Soskice, Ancelovici et Dufour se défendent assez bien. Ancelovici souligne l’importance des institutions locales dans ce qui détermine la relation « outsider-insider » du système : le rôle de l’endettement étudiant aux États-Unis est joué en Espagne par l’endettement hypothécaire (quelqu’un qui a été expulsé de son logement en Espagne ne voit pas sa dette radiée). Dufour explique l’apparence de contradiction par la coexistence de plusieurs niveaux d’analyse : l’effet systémique unifié du capitalisme apparaît à un niveau d’analyse plus macrosocial que celui adopté dans l’ouvrage.
Le livre est disponible sur le site de Amsterdam University Press au prix très accessible de 89 euros pour le « 1% » et sera libre d’accès en format numérique dans un an.
Jusqu’à maintenant aucun événement n’a été annoncé pour souligner le cinquième anniversaire d’Occupons Montréal.