Le Collectif Soignons la justice sociale, Native Women’s Shelter, Solidarité Sans frontières, la Coalition pour le définancement de la police, le Racial Justice Collective, Meals for Milton Parc, le Centre des travailleurs et travailleuses immigrant.e.s, le POPIR-Comité logement, l’organisme Resilience Montréal, L’R des centres de femmes, le groupe de Travailleuses et travailleurs progressistes de l’éducation (TTPE),l’organisme REZO, Me Arij Riahi, avocate, et le Projet d’Intervention auprès des mineurEs prostituéEs dénoncent l’imposition d’un couvre-feu qui affecte plus sévèrement les populations vulnérabilisées et marginalisées.
Ces organisations qui œuvrent auprès de populations considérées « à risque » sont conscientes de l’ampleur de la crise, qu’elles côtoient tous les jours, et savent qu’il est urgent d’agir. Elles critiquent toutefois le recours à des mesures répressives pour lutter contre la pandémie et revendiquent plutôt que des mesures solidaires soient mises en place afin de protéger les communautés les plus touchées.
Des refuges sur le bord de craquer
La ministre de la Sécurité publique Geneviève Guilbault s’est voulue rassurante lorsqu’elle a affirmé que les policiers feraient preuve de tolérance » lors de leurs interventions auprès de la population itinérante. Difficile pourtant de faire confiance au corps policier montréalais qui a déjà été critiqué pour la judiciarisation excessive des personnes itinérantes et le profilage social et racial sur son territoire. Pour Nakuset, directrice du Native Women’s Shelter, des mesures comme le couvre-feu risquent en effet de criminaliser les personnes itinérantes qui craignent d’aller dans les refuges et d’y contracter la COVID-19. Une peur qui est fondée, car selon les données compilées par plusieurs organismes, 80 % de la population itinérante autochtone testée dans les derniers jours a reçu un résultat positif. «Le couvre-feu ne fera qu’exacerber la propagation du virus alors que plus de personnes devront se trouver dans les refuges la nuit. Et les places n’y sont pas illimitées, peu importe ce qu’en pense le premier ministre.» affirme-t-elle.
Les principaux foyers d’éclosions
Les plus récentes données concernant les foyers d’éclosion montrent clairement que ce sont dans les milieux de travail que l’on est exposé au plus grand risque, suivi de l’école et des milieux de vie et de soins (qui sont aussi des milieux de travail). Si, comme l’affirme le premier ministre, il faut un traitement choc, il faudrait plutôt intervenir dans ces secteurs, notamment pour assurer la sécurité des travailleurs et des travailleuses. Or, les secteurs manufacturiers ont toujours le libre arbitre en ce qui concerne l’organisation du travail, des secteurs qui emploient un nombre important de personnes précaires. « Avec l’imposition d’un couvre-feu, le gouvernement ne fait qu’augmenter la pression sur les personnes qui ont des horaires de travail atypiques ou sur celles qui travaillent dans des milieux qui fonctionnent à l’extérieur du cadre de la loi. Une telle mesure n’est ainsi acceptable et facilement applicable que pour une certaine catégorie de la population qui peut facilement obtenir des aménagements ou des attestations de la part de son employeur. » explique Mostafa Henaway du Centre des travailleurs et travailleuses immigrant.e.s. Le virus, lui, ne reconnaît pas ces frontières : des mesures sanitaires efficaces doivent donc assurer à tous et à toutes une sécurité financière et matérielle qui leur permet de respecter les consignes.
Violences et santé mentale
Au printemps dernier, le gouvernement a justifié le relâchement du confinement parce que le foyer privé représentait un risque trop important pour les femmes et les enfants victimes de violences et de mauvais traitements. De plus, les pédiatres et psychologues nous alertaient quant aux conséquences d’un trop long isolement sur la santé mentale. Aujourd’hui, alors que la courbe de contamination rejoint, voire dépasse celle du printemps, les questions d’intégrité physique et mentale sont balayées du revers de la main. Il nous faut à nouveau nous enfermer derrière des portes closes. Pire encore, les exigences liées au travail vont en augmentant, tant à distance qu’en présentiel et désormais, impossible de sortir pour une marche salutaire en soirée, question de faire baisser la pression. « Le couvre-feu est un obstacle majeur aux stratégies de sortie utilisées par les victimes pour fuir la violence intime et intrafamiliale. Les femmes et leurs enfants doivent pouvoir circuler librement, sans quoi, nous les contraignons dans leur milieu violent et les mettons à risque. », se désole Katia Pharand-Dinardo de L’R des Centres de femmes.
Des mesures solidaires demandées
Depuis le début de la pandémie, ces organisations travaillent d’arrache-pied afin de soutenir les personnes vulnérables pour contribuer aux efforts contre la propagation du virus. Toutes s’entendent pour dire que des mesures exceptionnelles sont nécessaires pour sortir de la crise sanitaire. Cependant, elles ne croient pas que la répression soit la solution. Ces organisations revendiquent donc la mise en place de mesures solidaires pour lutter contre la pandémie. Adopter un moratoire sur les évictions et un gel des loyers, annuler les dettes, offrir un toit à tous et toutes, notamment en priorisant la rénovation et construction de logements sociaux, augmenter le salaire minimum et garantir une sécurité financière : « Seule une approche de santé publique basée sur l’équité, incluant des mesures sociales compensatoires adéquates, des efforts supplémentaires pour engainer la transmission communautaire dans les communautés plus à risque et un accès réellement universel au dépistage et aux soins, nous permettra de lutter contre la pandémie”, croit la Dre Nazila Bettache du Collectif soignons la justice sociale « Depuis le début de la pandémie, on constate que ce sont les quartiers où habitent les personnes pauvres et les personnes racisées où il y a la plus forte concentration de personnes positives à la COVID-19. Mais au lieu de leur donner les moyens de se protéger contre le virus, on les criminalise encore plus, et pour cette raison de nouveaux foyers d’éclosion risque d’apparaître », affirme Ines Benessaiah du POPIR-Comité logement. Selon ces organisations, le gouvernement doit agir pour protéger l’ensemble de la population ce qui nécessite de viser une réelle réduction des inégalités sociales et de la pauvreté.