Les rues de Nantes en France sont le théâtre d’affrontements féroces entre policiers et manifestants depuis la mort de l’écologiste Rémi Fraisse. Les rues de Ferguson ont vu déferler la rage d’une communauté stigmatisée suite à la mort d’un des siens, le jeune Mike Brown, abattu par la police. Idem à New York suite au verdict du jury de ne pas poursuivre le policier ayant causer la mort d’Eric Garner. La garde Nationale, le Kux Klux Klan et des policiers de tout l’état viennent prêter mains fortes aux policiers de Ferguson. Le Mexique s’enflamme alors que 43 étudiants disparaissent entre les mains des trafiquants de drogue et des autorités locales. Les étudiants d’Hong Kong se lèvent contre le pouvoir centralisé de Pékin. Les habitants du Burkina Faso ont brûlé plusieurs bâtiments gouvernementaux.
Est-ce que ces tensions pourraient être symptomatiques d’un problème plus large? La démocratie aurait-elle atteint certaines limites? Il est possible de noter une certaine effervescence autour de la question démocratique. Sur les plateaux des médias québecois, français, américains, que ce soit à Tout le Monde en Parle, à Médiapart, ou à Democracy now, de plus en plus d’auteurs, de philosophes, de journalistes, de professeurs sont invités pour parler de propositions afin de repenser la démocratie et la façon de l’appliquer.
Dernièrement, Normand Baillargeon, personnage timide mais empreint d’une assurance certaine, nous proposait d’intéressantes critiques du système actuel. Il y défend une démocratie participative, refusant notre démocratie qui est un «sordide spectacle de délégation avec des mensonges éhontés.» [1]. Ne jetant pas l’eau du bain avec le bébé. il reconnait l’importance des constitutions et autres outils démocratiques, mais il défend surtout des liens forts entre les individus, ayant des intérêts communs. Les élites qui nous dirigent, par contre, ne partagent pas nos intérêts, ce qui ne représente pas un idéal démocratique pour ce professeur.
À médiapart, David Van Reybrouck [2], historien, journaliste, romancier et auteur, explique son livre Contre les élections, mais défend ardemment la démocratie. Il déclare que les élections sapent la démocratie, souligne plusieurs dysfonctionnements puis cite un professeur à l’UQAM et auteur québécois, Francis Dupuis-Déri. En effet, Dupuis-Déri a écrit un ouvrage nommé Démocratie, Histoire d’un malentendu, soulignant qu’après les révolutions françaises et américaines, être démocrate était un terme péjoratif. C’était être près du peuple qui ne faisait appel qu’à ses émotions et passions, donc le peuple est incapable d’atteindre la raison. Seule l’élite politique y parvenant, il fallait donc une élite pour diriger et éliminer le pouvoir dit dangereux du peuple. D’Aristote à Seyes, incluant Voltaire, Montesquieu, Rousseau, tous faisaient une distinction entre démocratie et élection, ce dernier étant aristocratique [3]. Même le terme élection est liée étymologiquement du terme élite, voulant dire la rotation de cette élite, excluant la démocratie ; le pouvoir au peuple souverain.
Hors, malgré ses critiques dans son ouvrage Contre les Élections, Van Reybrouck propose des élections par tirage au sort de citoyens provenant de toutes les sphères de la société qui pourraient être en contact avec les politiciens pour éviter que les politiciens perdent de vue les intérêts des citoyens.
En Espagne, Podemos [4] est un parti politique formé récemment, le 14 janvier 2014, et gagne rapidement la première place dans les intentions de vote aux prochaines élections. Suite à une crise de la représentativité, le parti fait fi de la métaphore gauche/droite, soulignant que d’aborder les questions des droits de la personnes, d’accès à l’éducation, et autres sujets sociaux est une affaire de tous, peu importe si nous nous définissons de gauche ou de droite. En effet, il est bon de noter que le clivage gauche/droite est apparu après la révolution française, alors que le côté droit de l’assemblée était occupé par les monarchistes et conservateurs, le côté gauche étant occupé par les libéraux et républicains. Le socialisme émerge en marge sous la plume d’Engels et de Marx et se trouvait à l’extérieur de ce clivage.
De plus, ce n’est pas tant la crise économique qui est dévastatrice, mais bien les réactions des gouvernement face à cette crise qui le sont. Le FMI ayant reconnu son erreur ; comme quoi l’austérité n’est pas une solution viable pour atteindre une stabilité économique. Il me semble donc que nous avons intérêt à suivre des alternatives nouvelles.
Bref, ce ne sont pas les idées qui manquent. C’est peut-être les cadres que nous nous imposons au milieu desquels nous débattons. C’est la peur de nos élites privilégiées de perdre leurs positions et afin de les garder, effraient la population à coup de dettes publiques pour s’assurer de ne pas sortir du statu quo.
En poursuivant la petite communautée de Ristigouche [5] qui désirait protéger ces points d’eau face à d’éventuels déversements de produits dangereux, en faisant d’énormes pressions par le biais des lobbys, et avec la récente histoire des documents secrets de TransCanada partagés par Greenpeace, le message de TransCanada, Gastem et les autres corporations est clair, leurs intérêts prîment sur ceux des citoyens.
« Ceux qui reprochent au peuple d’être aveugle sont précisément ceux qui lui ont crevés les yeux » -John Milton.
- Normand Baillargeon. Entrevue à Tout le Monde en Parle. https://www.youtube.com/watch?v=JPBjzqzYq8k
- David Van Reybrouck. Contre les élections, pour la démocratie. Entrevue à Médiapart. http://www.dailymotion.com/video/x1wotcz_david-van-reybrouck-contre-les-elections-pour-la-democratie_news
- Étienne Chouard. Cause des causes. Conférence à TEDx RepubliqueSquare. https://www.youtube.com/watch?v=oN5tdMSXWV8
- Jorge Lago. L’expérience Podemos. Entrevue à Médiapart. http://www.dailymotion.com/video/x29h8nv_les-alternatives-sur-mediapart-jorge-lago-et-l-experience-podemos_news
- Solidarité Ristigouche, protéger l’eau potable, c’est vital! http://solidariteristigouche.ca/
Crédit Photo: Simon Lussier ; album photo facebook