Le Frigo des Ratons

Ce dimanche 3 avril dernier avait lieu l’inauguration du Frigo des Ratons de Rosemont à Montréal. Plus d’une cinquantaine de personnes ont répondu à l’appel de Patrick Bodnar, l’initiateur du projet, avec qui nous nous sommes entretenus.

 

Initié au «dumpster diving» à l’automne dernier, M. Bodnar s’est rapidement retrouvé avec beaucoup plus de nourriture qu’il en avait besoin.  «J’avais des tonnes de nourriture, j’en avais trop. Je me suis mis à en donner dans des parcs. Les gens venaient, et c’est fou le lien qu’on peut avoir avec les gens quand on se réunit autour d’une baguette.» C’est ce désir de nourrir la cohésion sociale qui a poussé Bodnar à lancer le Frigo des Ratons, qui permet en outre de lutter contre le gaspillage et la pauvreté alimentaire tout en tissant des liens avec sa communauté.

Construit à partir de palettes de bois et autres matériaux faciles à trouver, l’habitacle du frigo comporte des étagères et bacs pour les produits qui n’ont pas besoin d’être réfrigérés. Il est également prévu d’y faire pousser des fines herbes durant l’été. Les plans et éléments graphiques menant au premier Frigo des Ratons sont tous disponibles sous license Creative Commons, permettant à quiconque le souhaite de répéter l’expérience.

 

Le raton fait des petits

«Est-ce que ça veut dire quelque chose quand une page obtient 1000 likes en 10 heures?» pouvait-on lire sur la page Facebook du Frigo des Ratons le jour du lancement. Il semblerait que oui, puisqu’à peine trois jours plus tard, le potentiel de contagion semble évident. Déjà, des frigos ont été offerts gratuitement afin de donner l’élan à des installations similaires dans d’autres ruelles, idéalement dans d’autres quartiers.

Loin d’être une première, les frigos communautaires sont déjà établis à divers endroits dans le monde, notamment en Allemagne. En Amérique du sud ou encore au Nunavut, on retrouve des endroits où les chasseurs partagent depuis belle lurette leurs butins de chasse avec le reste de la communauté.

Il semble que la pratique est tout à fait reproduisible dans une ruelle de Montréal, à en juger par les photos publiées régulièrement dans le groupe Facebook où l’on voit l’état actuel du frigo, passant de presque vide à de nouveau rempli, et ce sur une base quotidienne.

 

Joindre la tanière

Les gens sont invités à se joindre au groupe Facebook de l’initiative et à laisser une note précisant ce qu’ils ou elles ont déposé dans le frigo. «Si on laisse un plat qui a été cuisiné, idéalement on aime savoir qui l’a préparé et ce qu’il y a dedans» précise Bodnar. Sauf dans le cas des mets commerciaux emballés, des fruits et des légumes, il est ainsi demandé d’indiquer les ingrédients, par souci pour les gens souffrant d’intolérances ou d’allergies. La viande crue est à proscrire, idem pour les sucreries et la malbouffe, le projet visant à contribuer à une alimentation saine pour tous et toutes. On y laisse ce qu’on donnerait à son propre enfant, ajoute le message d’accueil du groupe des Ratons.

Le groupe demande également aux gens de ne pas passer par la ruelle en voiture, afin de préserver la quiétude et la sécurité de la trentaine de familles qui partagent cet espace.

«On fait fi de l’argent à travers tout ça, et c’est quelque chose qu’on n’est pas habitués de faire dans la société. Ici, ce sont des dons que les gens viennent chercher gratuitement. Habituellement, on fait ça avec des gens que l’on connaît très bien. Là, on essaie d’étirer la sauce», partage Bodnar.

«C’est aussi un beau pied de nez à la société capitaliste» d’ajouter une ratonne venue assister au lancement avec ses enfants.