Samedi, le 22 août 2015, le peuple libanais a pris la rue dans le centre-ville de Beyrouth pour exprimer sa frustration devant la façon dont le gouvernement gère la crise des déchets. Les rues de Beyrouth sont inondées par les déchets car les leaders politiques n’ont pas réussi à s’accorder sur une solution au problème. Les manifestations étaient calmes, composées de familles avec des enfants et des personnes âgées. Pour une rare fois, des gens de tous niveaux de société et de toutes confessions étaient unis pour dénoncer l’incompétence de l’état libanais face à la situation. Les forces de sécurité et les forces militaires ont bloqué la foule unie, les assaillant éventuellement avec des cannons à eau à haute pression, des grenades de gaz lacrymogènes et des balles de caoutchouc. Plutôt que de dissuader les manifestants et manifestantes, l’assaut n’a que renforcé leur résolution. Illes se sont défendu et ont occupé la Place des Martyrs, au centre-ville de Beyrouth, jusqu’à ce que les manifestations reprennent le jour suivant. Le matin du lundi, 24 août 2015, le nombre officiel de manifestants et manifestantes blessé.e.s était de 402.
une scène de manifestations de nuit à Beyrouth
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Une histoire de conflit et de fausse division
Le Liban est un pays divisé en lignes sectaires, depuis son indépendance de la France en 1943. Selon la constitution, le président doit être un chrétien maronite, le premier ministre, un musulman sunni et le leader parlemantaire, un musulmant chiite. Ce fut une conséquence du mandat français et en est resté ainsi. La population du Liban est estimée à 4,5 millions de personnes, mais ce n’est probablement pas exact, car il n’y a eu aucun recensement officiel depuis 1932. Un nouveu recensement perturberait la délicate balance du pouvoir, partagé entre 18 confessions dans un pays de 10 453km²—environ la taille du Cape Breton.
En 1975, une guerre «civile» a éclaté entre les différentes factions du Liban. L’hstoire se souvient de cette guerre civile comme une guerre entre les différentes confessions, une guerre de religion, mais la réalité est que cette guerre a commencé à cause de disputes entre les familles de l’élite dirigeante, qui cherchaient à se tailler une plus grande part des profits des institutions publiques, des services et de l’expansion commerciale. Les chefs de ces familles ont misé sur l’identité religieuse pour faire avancer leur propre agenda. La guerre a duré 15 ans, se terminant officiellement en 1990. Le Liban continue à être gouverné par les familles qui ont déclenché cette guerre «civile»,par les mêmes seigneurs de guerre ou criminels, avec leurs acolytes.
Le Liban a aussi enduré une occupation par l’armée israëlle, qui s’est officiellement terminée en 2000, puis par l’armée syrienne, jusqu’en 2005, après l’assassinat du Premier Ministre Rafic Hariri, lui-même membre de l’élite dirigeante. Cette année-là, pendant le printemps 2005, les Libanais et Libanaises ont pris la rue à la Place des Martyrs, pendant ce qu’on appele maintenant la Révolution de cèdre. Et, du moins officiellement, le Liban était libre d’occupation pour la première fois depuis des décennies. Mais les divisions et rivalités politiques parmi l’élite ne se sont pas terminées à ce moment-là. Ni non plus l’impunité des acolytes, subalternes et membres des familles de l’élite dirigeante.
10 ans plus tard, en 2015, peu de choses ont changé. On pourrait même dire que les choses ont empiré plutôt que de rester pareilles. Depuis plus d’un an, le Liban n’a pas de président, car le mandat du précédent s’est terminé et les dirigeants politiques n’ont pas pu s’entendre pour un consensus. C’est que le président du Liban n’est pas élu directement par le peuple, mais plutôt désigné par un consensus entre les différentes alliances de partis politiques. Depuis le 24 mai 2014, le siège du président est vide. Pour les mêmes raisons, quand les mandats des membres du parlement se sont terminés, ils ont décidé d’étendre leur propre mandat jusqu’en 2017, sans élection et en méprisant le droit démocratique du peuple libanais à choisir ses propres représentants.
Vous puez! «You Stink!»
Il est compréhensible que les Libanais et Libanaises vivent sous un grand stress et une grande anxiété dans ces temps d’incertitude. Comme une cocotte-minute dont le couvercle a sauté, le peuple du Liban a finalement atteint le point où il n’en pouvait plus, quand le gouvernement a échoué à trouvé un emplacement pour empiler les déchets ramassés et que les déchets se sont mis à s’accumuler dans les rues.
Comme mesure afin de «protéger» les gens de maladies, des piles de déchets sont brûlés dans les rues au milieu d’un été très chaud et humide.
Les problèmes ne se terminent pas là, cependant. Après que le gouvernement ait dépensé plus de 20 milliars de dollars pour améliorer le réseau d’électricité, les ménages libanais ne reçoivent qu’une ration d’électricité de douze heures par jour. Et c’est une moyenne, car certaines parties de Beyrouth et de ses banlieues en reçoivent moins. Considérant que le Liban occupe le 136e rang de l’index sur la corruption, on peut se demander comment les 20 milliards de dollars furent dépenser pour «améliorer» le réseau, si l’élecricité est encore rationnée.
En plus de tout cela, le tumulte politique libanais et la crise dans la Syrie voisine ont créé un environnement d’impunité pour l’élite politique et ses acolytes. Des gardes du corps armés et des voyous appartanent aux différentes factions politiques, ainsi que des dirigeants, se promènent en toute impunité, intimidant tous ceux qui se tiennent dans leur chemin et tuant des citoyens innocents. Par exemple, le meurtre de Georges Al Reef, capté sur vidéo, devant sa femme, a fait suite à un incident de rage au volant impliquant le garde du corps d’un banquier prominent.
Les forces de sécurité tirent vers lers manifestants
Le 22 août 2015, des citoyens libanais de tous milieux et niveaux ont pris la rue pour protester contre la crise grandissante des déchets. À la tête de cette manifestation se trouvait la campagne de citoyens en ligne utilisant le mot-clé #youstink («vous puez»).
Un journaliste de 99%média, Issam Kassem Ibrahim, a confirmé que le lieu de la manifestation, le centre-ville de Beyrouth près de la Place de l’Étoile (Carré Nejmé), où le parlement libanais est situé, était plein de membres des Forces de Sécurité Intérieure (FSI) et des Forces Armées Libanaises (FAL), respectivement la police libanaise et l’amée libanaise. Ibrahim a également confirmé qu’il y avait environ 10 000 manifestants pacifiques, parmi lesquels des familles avec des enfants.
Selon le blog libanais A State of Mind, peu de temps après que la manifestation eut commencé, l’auteur a entendu les forces de sécurité dire qu’elles avaient «carte blanche».
«Carte blanche et blocage de signal
Les foules ont marché du carré Riad el Solh vers la Place des Martyrs. Naturellement, toute ouverture qui pouvait mener au Carré Nejmé était fermée par du personnel armé. L’Armé libanaise travaillait avait les Forces Armées Intérieures (FAI) pour fermer toutes les routes. Comme nous passions devant eux en retournant à la place des Martyrs, nous en avons entendu dire qu’ils avaient «carte blanche» pour aujourd’hui. Je n’y ai pas beaucoup porté attention.
C’est environ à ce moment que j’ai remarqué pour la première fois que le signal de mon téléphone se faisait brouillé. Ma connexion internet fonctionnait mal et je n’ai pas réussié à me connecter au réseau 3G même en redémarrant mon téléphone. J’ai demandé à d’autres personnes et je n’étais pas le seul à avoir ce problème. C’était une tentative claire d’imposer le silence radio à la manifestation, mais je n’ai pas fait très attention à cela non plus.»
À 19h15, les forces de sécurité ont commencé à utiliser des cannons à eau, du gaz lacrymogène et des balles de caoutchouc contre les manifestants.
C’est ce qui est arrivé au manifestant Elias Hamouche alors qu’il protégeait une fille qui se faisait attaquer par des soldats.
Le bloggueur libanais de A State of Mind écrit:
«J’ai passé à côté d’une femme qui s’était évanouie à côté de la rue. Il y avait aussi une petite fille qui se sauvait en courant. Elle ne pouvait pas avoir plus de six ou sept ans.»
Même des journalistes furent attaqués..
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Un moment intéressant, rapporté par le manifestant Karim Mostafa, a eu lieu quand un soldat a cessé d’être agressif et s’est simplement assis pour pleurer. Des manifestants sont venus le consoler.
En vidéo
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Une pancarte montrant des caricatures de politiciens libanais en sacs de poubelle, avec les mots «Certains déchets ne devraient pas être recyclés.»
Le journaliste de 99%média Issa Kassem Ibrahim rapporte ques les manifestants étaient furieux et que beaucoup d’entre eux ont décidé d’occuper la Place des Martyrs, adjacente au carré Nejmé, pendant la nuit.
Les manifestations continuent
Le jour suivant, le 23 août 2015, Ibrahim rapporte que les politiciens ont paru à la télévision pour condamner les violences contre les manifestants, dans l’espoir d’atténuer leur colère, mais, cette fois-ci, le peuple avait atteint le point de bascule et ne s’intéressaient plus à ce que les politiciens avaient à dire. Sur les médias sociaux, le contrecoup envers les dirigeants politiques fut inhabutiuellement sévère et encore plus inhabituellement non-sectaire. Selon Ibrahim, les gens en ont assez et « ne veulent plus des paroles hypocrites» des politiciens. Le peuple libanais se lève et demande du changement. Les manifestants veulent que l’élite politique quitte sa position et laisse des gens non-partisans représenter le peuple plutôt que les intérêts des familles dirigeantes, afin de mener le Liban dans une nouvelle direction, loin de l’incompétence du système actuel. Les Lbanais en ont assez et n’en endureront pas plus.
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Et ensuite?
Plutôt que d’être découragés, les gens continuent à manifester. La crise des déchets a peut-être été le déclencheur, mais les gens expriment toutes leurs frustrations. Un observateur externe pourrait penser que les manifestations ne concernent que la crise des déchets, mais le mécontentement et la frustration sont beaucoup plus profonds. Malgré le fait que le Liban est divisé politiquement en lignes sectaires—et intra sectaires—un mouvement civil grandit. Ce mouvement civil inclut des citoyens et citoyennes du Liban de toutes les confessions et de tous les milieux sociaux. Leurs griefs sont nombreux mais illes s’entendent tous et toutes sur un point: « Assez, c’est assez. Il est temps de se débarasser de ceux qui ont détruit le Liban et de laisser la place à des gens qui ne font pas partie des partis politiques corrompus. Le peuple libanais a besoin de politiciens qui représentent les intérêts du peuple et non ceux de l’élite dirigeante. »
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Malgré le fait que des politiciens ont condamné la violence envers les manifestants, la violence n’a pas diminué, avec 402 blessé.e.s rapporté.e.s jusqu’à maintenant. Les manifestants ne sont pas convaincus par les propos des politiciens et vont continuer à protester, quoique beaucoup craignent que la situation n’escalade plus loin. Les manifestants en ont tous et toutes assez et trouvent que l’élite dirigeante leur ment depuis assez longtemps pour que leurs paroles soient insignifiantes. Dans la tendance actuelle, les manifestations commencent de façon pacifique vers 18h, heure locale, mais, vers 20h, après le coucher du soleil, les choses commencent à devenir violentes. Des manifestants en colère apporteraient leurs sacs de déchets et les lanceraient vers le parlement pour exprimer leur frustration et leur colère et dire «Vous puez!» (#YouStink)