Sous un ciel gris s’amorçait ce mardi 24 mars l’édition 2015 du Forum Social Mondial à Tunis.
Défiant la mauvaise température, quelques milliers de participants ont défilé à l’appel des organisateurs dans les rues de la ville, partant de la place Bab Saadoun et sillonnant la capitale jusqu’au musé du Bardo. Militants et associations de 150 pays se sont rassemblés afin de démontrer leur solidarité avec le peuple tunisien. Cet événement organisé sous le thème « Les peuples du monde contre le terrorisme » annonçe une série de 4 jours d’ateliers et d’activités. Réunissant des milliers d’acteurs de la société civile du monde entier, l’objectif est de développer une meilleure cohésion des luttes altermondialistes. L’ensemble du forum se déroulera sur le campus de l’université Tunis El Manar, où un dispositif de sécurité imposant a été mis en place afin de prévenir d’éventuels attentats contre les participants. Le forum se conclura par une grande marche de solidarité avec le peuple palestinien ce samedi 28 mars.
Depuis sa création en 2001, le Forum social mondial se présente comme une alternative sociale au Forum économique mondial. Dans ces propres mots, il s’agit d’un «espace de débat démocratique d’idées, d’approfondissement de la réflexion, de formulation de propositions, d’échange d’expériences et d’articulation de mouvements sociaux, réseaux, ONGs et d’autres organisations de la société civile qui s’opposent au néo-libéralisme et à la domination du monde par le capital et par toute forme d’impérialisme.» C’est pour une deuxième fois que la Tunisie accueille le forum social mondial à Tunis, témoignant d’une volonté de consolider les dynamiques de changements issus de la révolution tunisienne et des mouvements démocratiques dans la région ainsi que d’approfondir les débats face à une géopolitique nouvelle. En regard des événements récents, c’est aussi un immense appel de solidarité que lance ces organisations de la planète. L’ambiance lors de la marche était joviale et festive, malgré la tragédie du musé Bardo qui une semaine auparavant avait glacé le peuple d’effroi. Le drapeau tunisien se mêlait, dans une myriade de couleurs, à ceux de nombreuses autres délégations internationales.
Rappelons que le 18 mars dernier, l’attaque du musé du Bardo revendiquée par l’État Islamique, a fait une vingtaine de morts, en grande majorité des touristes. Cet événement ébranla profondément la Tunisie qui n’est pas coutumière à ce type d’attentat. En parallèle à la marche se déroulait, à l’intérieur de l’enceinte d’une grille largement protégée, une cérémonie officielle symbolique, avec invités politiques et journalistes triés sur le volet, pour souligner le récent désastre sanglant. Aux alentours de la grille, les unités d’élites se tenaient en rang, souriant aux badauds agglutinés. Dans l’ensemble de la ville, on pouvait témoigner du renforcement du dispositif de sécurité, afin d’éviter qu’une telle catastrophe se reproduise. Pour des raisons nébuleuses, la réouverture au public du musé du Bardo qui était prévu pour le jour même a été reportée.
Alors que la transition démocratique, saluée par tous, se déroule sous l’oeil attentif du peuple, une zone d’ombre et d’inquiétude plane sur le pays du jasmin, qui comme plusieurs autres états de la région fait face à une islamisation politique grandissante. Dans les dernières années, près de 3000 tunisiens auraient quitté pour la Syrie et l’Iraq, et des centaines se trouveraient aussi en Libye. Le retour au pays de près de 500 de ces combattants appartenant à des groupes islamiques sème des doutes quant à la sécurité de ce pays qui peine à achever sa transition démocratique dans l’unité. De plus, la Tunisie, frappé depuis longtemps par de profondes difficultés économiques, voit ainsi l’arrivée de la saison touristique perturbée. Toutefois, le moral de la société civile reste fort et afin de dire non à l’extrémisme, nous assistons ces jours ci à des moments exceptionnels de mobilisation populaire. Espérons que le Forum Social Mondial permettra d’épauler ce peuple éprouvé, tout en étant vecteur de valeurs de partage et de solidarité.