Pégida met à nu l’arbitraire de P-6

 Samedi le 28 mars avait lieu la première manifestation de Pégida. Retour sur les événements.

Avant la manifestation de Pégida, vers 3h30, plusieurs dizaines de personnes étaient sur les lieux, formées en comité d’accueil, pour les attendre. Ce comité d’accueil était très diversifié:  commerçants du quartier, féministes québécoises (musulmanes ou non) , résidents du secteurs, Parti Vert, Parti Communiste, militants pour les réfugiés, étudiants, anarchistes, etc. À l’heure du début de la manifestation de Pégida, il y avait, sur les lieux, environ 800 personnes. Plusieurs slogans furent criés pour dire non au racisme, non à l’islamophobie, etc. en les attendant. Les policiers furent nombreux à se présenter, craignant sans doute des débordements. Il est important de mentionner que selon le règlement P-6, cette contre-manifestation était illégale. D’ailleurs, pour être en mesure de donner l’itinéraire, il aurait fallu connaître l’itinéraire de Pégida, qui avait remis son itinéraire à la police, mais pas aux contre-manifestants, évidemment….

La mairesse Annie Samson, qui était présente au sein de la contre-manifestation, s’est d’ailleurs vue montrer la porte de la contre-manifestation assez rapidement, par plusieurs manifestants, après avoir donné un interview dans un média. Elle, qui a appuyé P-6, se retrouvait donc à venir manifester en violation d’un règlement municipal qu’elle a elle-même appuyé à la Ville de Montréal. C’est donc dire que pour dire non au racisme, les gens présents étaient en violation de la loi, tandis que l’événement tant décrié par nos politiciens, lui, pouvait avoir lieu en toute légalité!

Vers 16h, certains membres du groupe Pégida se sont présentés sur place, ils n’étaient pas très nombreux (plusieurs sources parlent de 3 personnes sans plus). Ils ont été accueilli notamment avec la chanson «Salam Alaikoum», qui veut dire «que la paix soit sur vous» . C’est aux alentours de 4h40 que la nouvelle est finalement tombée: «La manifestation de Pégida a été annulée». C’est avec des cris, applaudissements, chants et youyous que l’assistance a reçue la bonne nouvelle. Nous avons aussi appris à ce moment que des étudiants, partis du centre-ville, étaient en route pour venir rejoindre la contre-manifestation dans le quartier Petit Maghreb.

 

Au moment du départ pour la marche en bonne et dûe forme, pour aller rejoindre les autres manifestants, un homme qui semblait être venu joindre le groupe Pégida s’est mis à injurier les participant(e)s avec des propos racistes. Un attroupement s’est rapidement formé autour de lui pour le confronter sur ses paroles racistes. C’est finalement la police qui a pris le relais, écartant l’homme et lui disant de quitter les lieux. Les deux groupes de manifestants (étudiants et anti-racistes) se sont finalement rejoints près du métro St-Michel. Au passage, plusieurs commerces et cafés bondés se sont vidés, afin de regarder passer la manifestation. L’accueil fut très chaleureux et on a pu voir certains résidents du secteur décider de se joindre eux aussi à la marche, avec leurs enfants. Ce fut une manifestation ou les participants ont dit non au racisme, à l’islamophobie, à l’austérité, à P-6 ainsi qu’au projet de loi C-51.

 

Il faut aussi noter que vers la fin de la manifestation, celle-ci étant toujours sous très haute escorte policière, une personne a tiré une cannette en direction des policiers. Or, la police n’est pas intervenue…

S’il fallait une contre-manifestation à Pégida pour donner bonne conscience aux politiciens, devant le message provocateur que ce groupe proposait ce samedi, en allant dire non à l’islamisation dans un quartier ou vivent plusieurs citoyen(ne)s d’origine maghrébine (et je dis bien provocateur ici, question de respecter la présomption d’innocence, base de la Charte des droits et des libertés, car il semble que ce soit là-dessus que la police ait donné le droit à Pégida de manifester…), on ne peut que constater que les étudiants qui furent présents et qui se voient réprimer pour pas mal moins que cela quand ils prennent la rue contre l’austérité, sont les témoins vivants de l’arbitraire qui peut s’exprimer dans l’application du règlement P-6, selon que le message plaît ou non aux élus.

Il importe également de dire que malgré toute la bonne humeur qui était présente au moment ou nous avons appris que la manifestation de Pégida fut annulée, le chemin à parcourir pour en finir avec le racisme et l’islamophobie au Québec n’est pas terminé pour autant. À ce sujet, je vous laisse une réflexion lancée par M. Siegfried Mathelet, chercheur à la Chaire UNESCO-UQAM sur les fondements de la justice et de la démocratie, où il est en charge du Projet de recherche et de formation sur l’islamophobie et le fondamentalisme,  réflexion qu’il a lancé ce week-end, sur le groupe Pédiga  : la présence de Pegida joue le rôle (…) commode. (…) Elle donne bonne conscience à autant de voix politiciennes qui sont demeurées et demeurent encore silencieuses sur le processus de racisation des dernières années. La présence de Pegida permet surtout à la majorité de la population de se donner bonne conscience en rejetant sur l’extrême droite la responsabilité du racisme islamophobe, dont elle serait la seule incarnation (Mathelet, 2015).

 

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Journaliste indépendante